Guillaume Soulatges

Guillaume Soulatges

Où il est question d’enseignement et de revue porno, d’éthique et d’Adamo, d’art contemporain et de "Les parties communes"


Bonjour, évidemment, comme toute interview du CrewK une première question obligatoire, on écoute quoi quand on arrive chez toi ?


Si je travaille, de la noise, de l'industriel, du post-punk mais si je reçois, je peux passer à des choses un peu plus douces. Sinon, pour faire la vaisselle, je peux écouter des daubes comme Adamo ou Sexy Sushi.

Tu peux nous en dire un peu plus sur toi, qui es tu, d’où viens tu, que fais tu ?

Je travaille autour du dessin, qui m'intéresse en soi, comme objet plastique, mais aussi comme matière pour des livres, ce qui implique que je m'aventure à l'occasion vers le roman graphique. Je fais aussi parfois, mais ça reste très marginal, des travaux qui sont plus de l'ordre de l'illustration, comme cette affiche pour Rock en Seine à propos de laquelle vous m'avez sollicité.

Quant à mon parcours, dans les grandes lignes, j'ai commencé à travailler au début des années 2000. J'ai fait ensuite partie du collectif "Stratégie Alimentaire", qui a édité un certain nombre de livres et de fanzines. Je fais plus ou moins cavalier seul depuis deux ou trois ans.

Quand as-tu commencé à crayonner ? As-tu suivi un cursus particulier par la suite ou t es tu formé à force seul à force de dessiner dans les marges ?

Comme tout le monde, on a dû me mettre un feutre dans la main très jeune, et je ne l'ai pas lâché par la suite. Plus tard, je suis passé à la peinture, et j'étais vraiment très mauvais. Donc, en toute logique, je suis entré dans une école d'art, quand la question de poursuivre des études s'est posée. Là, le dessin n'intéressait pas grand monde, la mode était plutôt à la vidéo et au multimédia, donc par esprit de contradiction, je me suis tourné vers le dessin et l'édition. Pas pour le coté direct et expressif de la chose, qui m'importe assez peu, mais plus pour l'aspect "cheap" du résultat. J'aimais bien l'esthétique fanzine, même si c'est maintenant devenu un maniérisme assez commun.

Collabores tu à des journaux/ fanzines ou publications régulières ?

J'essaie de lever un peu le pied, concernant les fanzines. J'ai participé à pas mal de choses, pas toutes passionnantes, et je ne suis plus aussi disponible qu'avant pour ce genre de projets. Ceci dit, il m'arrive encore assez régulièrement de faire des choses avec des gens que je connais.

Quelle est ta journée travail type, si il y en a une...

C'est assez variable en fonction des périodes. Il y a des moments où le travail artistique s'apparente à n'importe quel autre boulot (téléphone, courrier, réunions, etc...) et des journées qui sont entièrement consacrées au dessin, auquel cas je me lève et je dessine, tout simplement.

D’où provient ton inspiration ? Y a-t-il des artistes/graphistes qui ont compté pour toi (en langage rock, quelles sont tes influences) ?

Je me nourris plutôt ailleurs que dans le dessin et la bande dessinée, même si je me tiens au courant de ce qui se fait. Maintenant, s'il faut citer un artiste qui a eu un rôle déclencheur dans ma pratique, ce serait Pierre La Police. En voyant son travail, j'ai commencé à me permettre des choses qui, sans lui, n'aurait pas été considérées comme de l'art au sens "noble" du terme. Le milieu de l'art est très clivé, il y a beaucoup de petites chapelles, certaines se considérant comme les propriétaires du terme "art contemporain", d'autres qui défendent une sorte de pureté underground, et c'est assez pénible. Heureusement, on trouve aussi des gens comme Mike Kelley qui parviennent à dépasser ce type de clivages et à produire aussi bien des choses dans l'underground que pour la Fondation Pinault, ce qui, concrètement, est la position idéale, à condition d'avoir le nez bouché.

Sinon, pour parler de ce que j'utilise en terme d'images pour faire mes dessins, je vais puiser dans tout ce qui se fait en terme de sous-culture visuelle, des catalogues de supermarché, des revues pornos, des guides pratiques illustrés. J'aime l'idée de puiser mon "inspiration" (un mot assez ridicule, en soi, et qui pue le romantisme) dans le tout-venant.

Quelles sont les principales étapes dans ton travail (du croquis au final) ?

Il n'y a pas vraiment d'étapes dans ma façon de travailler. Les choses me viennent plutôt d'un seul bloc. J'ai une idée, et je l'applique, tout simplement. L'exécution d'un dessin n'a rien de très complexe. C'est juste une question de patience. Si un dessin est raté, je recommence.

Tu fais tout à la main ou à l'informatique ?

A part des mises en couleurs, que je peux faire sur ordinateur, je travaille assez bêtement avec la main.

Au final, combien de temps nécessite la réalisation d'une affiche ?

Pour une affiche, je privilégie plutôt la simplicité, donc le dessin me prend quelques heures, guère plus.

Qui s'occupe de réaliser les sérigraphies ?

Ca dépend. Dans le cas d'un livre, c'est l'éditeur qui s'en charge, évidement. Mais je réalise mes propres sérigraphies, la plupart du temps.

Tu as un style très caractéristique, tu ne fais que ce dont tu as envie, ou bien si demain on te demande une huile de chevaux qui courent dans la mer sur fond de soleil couchant, il n'y a pas de problème t'es sur le coup ?

Je fais spontanément des chevaux dans le soleil couchant, mais pour répondre à ta question, je ne pense pas qu'il vienne à l'idée de quelqu'un de me proposer de faire autre chose que ce que je fais déjà. Mais j'ai déjà fait des choses répugnantes pour de l'argent, comme d'enseigner en collège, donc je dois être prêt à presque tout.

Comment t es tu retrouvé à réaliser une affiche pour Rock en Seine ? Qui a contacté qui ?

Ce sont les organisateurs qui m'ont contactés, comme les autres participants, il me semble.

Qu'est ce qui t’a motivé et qu'est-ce qui a été le plus difficile dans la réalisation de l’ affiche ?

J'aimais bien le nom du groupe, j'ai tout de suite vu le dessin que j'allais faire. Les choses se sont faites assez simplement.

Tu ne connaissais donc pas le groupe avant de réaliser leur affiche ? Sais tu s'ils ont apprécié ton travail ?

Non, je ne connaissais pas "I am un chien", mais leur esthétique était assez "dark" pour me convenir. C'est vrai que j'ai pris le contrepied de cet univers-là, cependant. Le public a eu l'air d'apprécier l'affiche, mais les musiciens, aucune idée...

Tu recommencerais ?

Pourquoi pas ?

Y a-t-il des artistes que tu réverais d’illustrer et, pour qui refuserais tu de travailler ?

J'écoute beaucoup de musique. Il y a pas mal de groupes pour lesquels je pourrais faire une affiche ou une pochette de disque. Après, les gens avec qui je refuserai catégoriquement de travailler, quelle que soit leur branche d'activité, sont nombreux, heureusement. Il faut avoir un souci d'éthique dans le travail, même si ce n'est pas évident. Sans cela, ce qu'on produit n'a plus vraiment de sens. Ceci dit, je m'aperçois qu'en vieillissant, on fait plus de concessions. Il y a dix ans, je n'aurais pas accepté de participer à Rock en Seine, par exemple.

Ah bon, pour quelles raisons ?

A une autre époque, l'aspect "grand public" de Rock en Seine m'aurait dérangé. Ils ont toujours programmé quelques groupes que j'apprécie, comme Sonic Youth, PJ Harvey ou Jello Biafra cette année (excellent concert, d'ailleurs), mais dans l'ensemble, ce n'est pas vraiment ma culture. Mais comme je te le disais, je n'ai plus envie de m'enfermer dans un purisme underground qui peut devenir sclérosant. Donc sauf en cas de problème éthique majeur, je n'ai pas de raison de refuser de travailler avec des gens qui appécient mon travail.


Après, je reste quand même conscient de la différence de nature entre l'art et la culture de masse. Une affiche que je vais faire reste formellement proche de ce que j'expose ou que je publie, mais les intentions initiales et la finalité du travail n'ont pas grand chose en commun d'un cas à l'autre. Ceci dit, je ne veux pas avoir l'air de cracher dans la soupe, ça m'amuse vraiment de faire des affiches.

Et puis j'ai passé un week-end assez agréable à Rock en Seine, j'ai vu Jack Lang boire de l'eau minérale...

Considères tu que tu fasses partie d’une certaine « scène graphique », si oui qui d’autre, à tes yeux, la compose ?

Je suppose que puisqu'il existe une scène graphique underground, je dois bien en faire partie. Après, je ne dis pas qu'il s'agit d'une scène cohérente et homogène, heureusement. En France, le Dernier Cri, notamment avec la revue "Hôpital Brut", rassemble une bonne partie de cette mouvance, mais un tas de gens un peu partout font exister des choses. Et en ce qui me concerne, je ne m'interdis pas de travailler hors de ce milieu-là, au contraire.

Un peu d’autopromo, profites en c’est gratuit, où peut on admirer ton travail, sur le net et dans la vraie vie ?

J'ai un site internet, sur lequel il serait très exagéré de dire que l'on peut voir mon travail, mais qui peut faire office de vitrine : http://guillaumesoulatges.net/

On y trouvera quand même des liens vers les sites des gens avec qui j'ai travaillé.

Sinon, j'expose assez régulièrement, surtout à Paris, ou par exemple ce mois-ci à Lyon à la librairie Grand Guignol, mais il faut se tenir au courant.

Y a-t-il un bouquin qui permette de mieux faire connaissance avec toi (rappel on est dans la rubrique autopromo :) ?

J'ai publié une bonne dizaine de livres, dont pas mal sont épuisés ou indisponibles. Le dernier est sorti cet été au Dernier Cri, il s'intitule "Les parties communes" , mais je ne le recommande pas à tout le monde, c'est franchement obscène, par endroits.

Le plus beau compliment que tu aies reçu dernièrement ?

Il ne concernait pas mon activité artistique.

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